Récit de matelots
13 avril 2022
Par Antoine et Laurane,
jeunes matelots en herbe qui s’apprêtent à partir à la conquête des eaux
Nombreux sont ceux qui rêvent d’aventure et chacun a sa vision de ce qu’elle pourrait être. Chez les Dumais-Guimond, elle a pris naissance il y a 13 ans, quand nos parents se sont rencontrés.
PARTIE 1
Mais tout d’abord, qui sommes-nous ?
On se présente, Antoine et Laurane, frère et sœur, benjamins et jumeaux d’une famille recomposée de cinq enfants. Nous habitons à Sainte-Flavie, à la porte d’entrée de la Gaspésie. Notre équipage se compose de notre capitaine, Christian, qui occupe un emploi de technicien en informatique au Cégep de Rimouski, et de notre amoural -maman, Sophie, qui enseigne à des élèves en difficulté à l’école secondaire. L’équipage inclut aussi Calypso, notre vigie, un goldendoodle de quatre ans.
La mise à l’eau
À l’automne 2008, sur un coup de tête, nos parents ont fait l’achat d’un tout petit Tanzer 22, Le BercEau. Ils venaient tout juste de se rencontrer. Ils n’avaient quasiment jamais fait de voile, mais ils aimaient la liberté. Naturellement, lorsque nous sommes nés, en 2010, nous les avons accompagnés. Nous passions nos étés au lac Témiscouata entre le camping, le vélo et le voilier. En 2015, ils ont vendu le Tanzer dans lequel nous étions rendus trop à l’étroit et ils ont fait l’acquisition d’un Mirage 33, Escapade. Grâce à lui, nous avons apprivoisé le fleuve Saint-Laurent et sa navigation plus complexe. Notre port d’attache étant désormais la marina de Rimouski.
C’est ainsi que, sans qu’on le sache, nos parents nous préparaient au grand voyage que nous nous apprêtons à vivre en août prochain.
Ils ont cessé de dire : « Un jour nous partirons… » Et ils ont fixé une date : 2022-2023.
Papa et maman ont véritablement débuté les préparatifs il y a quatre ans. Ils ont demandé des congés à leurs employeurs. Ils ont également écouté des vidéos réalisées par des familles d’aventuriers, des centaines de vidéos et assisté à des conférences offertes en ligne. Ils ont lu beaucoup d’ouvrages de référence et questionné des plaisanciers qui avaient aussi fait le voyage ou qui avaient de l’expérience. Ils se sont inscrits à des cours et ont réalisé des stages.
L’an dernier, à la suite d’une conférence, ils ont décidé que nous changerions de voilier. C’est ainsi que Callipyge I est entrée dans nos vies. C’est notre Corbin 39. En fait, ils voulaient nous offrir, à chacun, notre propre cabine. C’est que nous aurons presque 12 ans lorsque nous lèverons les voiles vers la côte est américaine et les Bahamas. « À notre âge, on a quand même besoin d’un peu d’intimité ! » — Laurane. Vous comprenez donc qu’on se prépare pour une année complète de découvertes.
Les premières vagues
Il faut beaucoup d’organisation pour partir ainsi. Les parents doivent penser à ce qui sera nécessaire pour toute la famille et à travers ça, nous devons nous préparer nous aussi. Ce voyage apportera de gros changements dans notre quotidien d’adolescents.
Tout d’abord, nous laisserons derrière nous notre école et nos amis. Nos deux parents nous enseigneront, un peu tous les jours, en fonction des navigations et des haltes que nous ferons. Nous commencerons donc notre première année du secondaire sur le voilier. Actuellement, maman fait les démarches auprès du ministère pour que nous puissions poursuivre notre scolarité. Comme elle enseigne, elle connaît bien le programme. De ce côté-là, nous serons certainement les deux élèves les plus chanceux de l’année. Enfin, c’est ce qu’elle dit !
Nos amis nous manqueront beaucoup. Nous continuerons à leur parler grâce aux réseaux sociaux, mais ce ne sera pas comme de les voir tous les jours. Nos parents tentent de nous rassurer en nous disant que nous allons nous faire de nouveaux copains, mais nous craignons qu’en nous déplaçant tout le temps, ce soient vite des amitiés perdues. Maman a suggéré que nous préparions un carnet dans lequel nous noterons les coordonnées pour rejoindre nos amis terrestres et plaisanciers. Bien sûr, les trois premières adresses que nous inscrirons seront celles de nos sœurs, qui ne nous accompagneront pas puisqu’elles sont trop grandes. Garder le contact à notre âge, c’est important!
Papa et maman nous ont confié aussi une autre tâche essentielle avant de partir : faire des choix dans les objets personnels que nous voulons apporter. Une règle : cela doit entrer dans notre cabine ! « Ce n’est pas très grand, une cabine ! » — Laurane. Une seule exception, notre moyen de transport. Un longboard et une trottinette. Nos parents nous ont dit qu’ils trouveront bien une petite place. Une chance! Pour faire le tri, il faut bien réfléchir : est-ce que j’en ai vraiment besoin ou est-ce que ça me fait du bien ? Quand la réponse est oui, on l’embarque ! D’habitude, ça fonctionne comme système.
Quand on y pense, nous avons de la chance puisque nous retrouverons notre maison et toutes nos choses à notre retour. Nos parents vendront uniquement les voitures. C’est notre sœur aînée qui viendra habiter chez nous pendant que nous serons partis.
Une autre façon de nous impliquer et de nous préparer au voyage consiste à découvrir, en avance, le trajet et à déterminer les endroits que nous aimerions explorer. Nous faisons également une liste des activités que nous pourrions faire sur la route : assister à une partie de hockey de la LNH à New York ou en Floride. Nous prévoyons aussi visiter Manhattan et Times Square ainsi que La Nouvelle-Orléans. En Floride, nous pensons nous arrêter à Orlando. Bien entendu, les plages, l’eau turquoise et les îles bahamiennes seront notre récompense au bout du chemin. Donc, entre les périodes d’école, le tourisme, la participation aux manœuvres et à la vie à bord, nous serons quand même bien occupés. En plus, comme le disent nos parents, plus papa, en fait, on verra bien quand nous y serons!
Actuellement, on a seulement une vague idée de ce qui nous attend, même si nous avons navigué tout l’été passé et que nous avons habité presque deux mois sur le voilier pour nous préparer à ce changement. On sait que ce sera très différent, qu’il faudra se trouver de nouvelles activités et qu’on peut juste imaginer le quotidien. « Je vais être un maître d’échecs à la fin du voyage ! » — Antoine. « Il faut réaliser qu’on a de la chance, en attendant, je pratique mon anglais. C’est pour les nouvelles amitiés ! » — Laurane.
Si ça vous intéresse, vous pourrez nous suivre sur la page Facebook à laquelle nous collaborerons avec maman et papa. Cherchez « Escapade en Famille ». Vous pourrez avoir de nos nouvelles toute l’année !
En terminant, papa et maman voulaient vous dire quelques mots :
Comme le dit Laurane, nous avons beaucoup de chance, mais pas seulement de la chance. Nous avons aussi un brin de folie et une bonne dose de lâcher-prise. Nous avons en plus une famille extraordinaire qui porte avec nous ce rêve. Trois filles, jeunes adultes, qui acceptent de nous laisser partir, mais qui passeront nous voir quelque part au sud du 45e parallèle. Nous avons aussi la chance d’avoir des papis avec plus ou moins le pied marin, mais qui sont toujours là pour donner un coup de main à la maintenance du voilier.
Nous avons découvert ces dernières années une belle communauté qui s’encourage et s’entraide. Nous sommes loin d’être les seuls à prévoir ce type d’aventure. Chaque année, plusieurs dizaines de Québécois planifient et réalisent le même trajet que celui que nous nous apprêtons à faire. Nous en avons croisé plusieurs sur la route du fleuve, de retour ou à leur départ. Certains en sont à leur première expérience, tout comme nous, d’autres y retournent. Du début de l’âge adulte, jusqu’au projet de retraite, en solo, en couple ou en famille, tous trouvent leur façon de concrétiser ce rêve. Petites et grandes embarcations, neuves, ou usagées, tant que la vôtre répond à vos besoins. Nous en avons rencontré qui quittaient tout, sans date de retour, d’autres dont le retour était déjà prévu, par choix ou pas. Nous vous reviendrons certainement pour vous faire part de notre expérience une fois sur la route. Comme le disent les « voileux », bons vents, à bientôt !
À suivre dans une prochaine édition de PLAISANCE Mag.